Déjanire : les débuts du Théâtre des Arènes



1 - Les débuts du Théâtre des Arènes

Déjanire, le premier spectacle donné dans le Théâtre des Arènes de Béziers est une création de Camille Saint-Saëns et Louis Gallet.

Camille Saint-Saëns, par Nadar ou son atelier

Récits de l'origine du projet

L'origine de ce projet est rapportée dans plusieurs périodiques de l'époque, sous forme de conversations entre les différents protagonistes: Saint-Saëns le compositeur, Castelbon le mécène et Gallet le dramaturge. Ces consersations sont retranscrites par les journalistes dans un style naïf qui ne manque pas de charme.

Ainsi, dans l'hebdomadaire Le Journal Musical:

"L’année dernière, M. Castelbon de Beauxhostes, président de la «Lyre Bitterroise» et un des plus dévoué collaborateurs de la «Fédération musicale de France », avait invité chez lui l’illustre auteur de Samson et Dalida, M. Camille Saint-Saëns. M. Castelbon faisant visiter au Maître les nouvelles arènes de Béziers, lui demanda s’il ne serait pas possible de faire quelque chose de grand dans ce cadre si grandiose lui-même. Comment donc ! répondit Saint-Saëns, mais vous allez au devant de ma pensée ! Si vous le voulez, je préparerai pour l’année prochaine une représentation à l’antique avec partie musicale développée." [LJM 1898]


L'article du Journal Musical, 10 septembre 1898

Le jour de la reprise de Déjanire à l'Odéon (11 novembre 1898), le Figaro fait paraître en première page un article écrit par Camille Saint-Saëns, où le compositeur explique la génèse de l'oeuvre:

"C'est en causant à Béziers dans les arènes où allaient avoir lieu les courses de taureaux, que nous avons, M. Castelbon de Beauxhostes et moi, eu la première idée de Déjanire, ou plus précisément, d’un spectacle d’art remplaçant – pour deux jours seulement, hélas ! – les tauromachies habituelles. Rentré à Paris, je parlai du projet à mon pauvre et cher ami Louis Gallet. Justement, il travaillait à une Déjanire, ne sachant s’il en ferait un drame ou un opéra. Gallet me lut son scénario ; j’y vis aussitôt le spectacle rêvé pour Béziers. Nous voilà à l’ouvrage : Gallet à sa pièce ; moi, peu après, à la musique, et Castelbon à l’organisation matérielle et locale de ces représentations. [LF 1898 11 nov]

Les arènes de Béziers

Le Petit Parisien du 29 août rapporte la conversation entre Saint-Saëns et Gallet à propos de Déjanire:

"L’année dernière, au théâtre d’Orange, M. Gallet, évoquant les souvenirs de la tragédie grecque, fit part à M. Saint-Saëns de l’intérêt qu’il y aurait à reconstituer aussi fidèlement que possible un tel spectacle, et se trouva amené à lui raconter le sujet de Déjanire, qui le hantait.
- Mais, dit tout à coup Saint-Saëns, cela m’irait très bien pour Béziers.
- Béziers ?
- Oui, ils ont là-bas des arènes toutes neuves en pierre et en brique ; ils voudraient y installer un théâtre antique, et ils me demandent quelque chose, ce que je voudrai. Je leur ai promis et je tiendrai ma promesse."
[LPP 1898]

Enfin, un peu de plus de quinze ans plus tard, Saint-Saens livre le récit suivant dans son ouvrage "Au courant de la vie":

On connaît l'histoire de la première Déjanire. Cela se passait en 1897 ; M. Castelbon de Beauxhostes avait observé la remarquable sonorité des Arènes en construction ; il voulait en faire profiter l'art. J'étais alors en tournée dans le midi, donnant des concerts d'orgue, et M. Castelbon m'avait attiré à Béziers, me promettant par son influence l'usage de l'orgue de la cathédrale ; je visitai les Arènes, on y fit des essais de musique et de déclamation ; d'autre part, mon ami et collaborateur Gallet caressait ce projet de Déjanire: tragédie ? opéra ? il ne savait encore ; et je le décidai à en faire une tragédie, mêlée de choeurs à la manière antique." [CSS 1914]

Au courant de la vie"
Camille Saint-Saëns, 1914

Saint-Saëns et le théâtre antique

L'idée de créer à Béziers un drame "à l'antique" rencontre sûrement chez Saint-Saëns un écho particulier, car il a déjà, par le passé, réfléchit sur le théâtre antique. Il a ainsi publié en 1886 un court ouvrage intitulé "Décors de théâtre dans l'antiquité romaine" dans lequel il émet l'hypothèse que certaines fresques de Pompéi, représentant des architectures aux formes étranges, non réalistes, sont, non pas de pures inventions, mais des représentations de décors de théâtre:

"Il est peut-être permis de se demander s'il n'y a pas là une reproduction plus ou moins fidèle, plus ou moins idéalisée, des décors de théâtre à l'époque romaine." [CSS 1886]

"Décors de théâtre dans l'antiquité romaine", Camille Saint-Saëns, 1886

Peinture de la maison dite des vestales (illustration extraite du livre de Saint-Saëns)





Références

[CSS 1886]

Camille Saint-Saëns, Note sur les décors de théâtre dans l'antiquité romaine, Paris, Baschet, 1886

[CSS 1914]

Camille Saint-Saëns, Au courant de la vie, Paris, Dorbon-Ainé, 1914

[LF 1898 28 aout]

Le Figaro, Paris, 28 août 1898, page 4. Cliquer ici pour une version pdf de l'article (source: BNF).

[LF 1898 29 aout]

Le Figaro, Paris, 29 août 1898, page 4. Cliquer ici pour une version pdf de l'article (source: BNF).

[LF 1898 11 nov]

Le Figaro, Paris, 11 novembre 1898, page 1. Cliquer ici pour une version pdf de l'article (source: BNF).

[LF 1898 12 nov]

Le Figaro, Paris, 12 novembre 1898, page 4. Cliquer ici pour une version pdf de l'article (source: BNF).

[LJM 1898]

Le journal musical, Paris, 10 septembre 1898, page 11. Cliquer ici pour une version pdf de l'article (source: BNF).

[LPP 1898 25 aout]

Le petit méridional, Montpellier, 25 août 1898, page 2. Cliquer ici pour une version pdf de l'article (source: médiathèques de Montpellier Agglomération).

[LPP 1898 29 aout]

Le petit méridional, Montpellier, 29 août 1898, page 2. Cliquer ici pour une version pdf de l'article (source: médiathèques de Montpellier Agglomération).

[LPP 1898]

Le petit parisien, Paris, 29 août 1898, pages 1 et 2. Cliquer ici pour une version pdf de l'article (source: BNF).

[LT 1898]

Le théâtre, Paris, No 9, septembre 1898

[MAR 1908]

Paul Marièton, Le théâtre antique d'Orange et ses chorégies, Paris, Edition de la province (sic), 1908.