Caroline Segond-Weber (1867-1945) est une actrice française. Elle a joué au théâtre des Arènes de
Béziers en 1898 lors de la création de Déjanire, où elle a tenu le rôle de Iole.
Premier prix du conservatoire en
1883 , elle fit partie de la troupe de l'Odéon et de la Comédie française (pensionnaire en 1887,
sociétaire en 1902).
Adrien Laroque, dans "Acteur et actrices de Paris", 1899, la décrit ainsi:
"Passionnée, nerveuse, vibrante, tragédienne-née".[LAR 1899]
Un portrait coloré de la comédienne nous est donné par Adolphe Brisson, qui consacre un chapitre de son "Pointes
sèches (physionomies littéraires)" [BRI 1898] à Coralie Segond-Weber:
"Regardez-la, quand, dans les Erinnyes, elle descend les degrés du palais d'Agamemnon. Son corps mince
et flexible ondule lentement sous ses voiles noirs; elle avance tristement vers la tombe du héros;
son profil se détache sur l'horizon clair profil
admirable, d'une pureté, d'une fierté souveraines. Elle lève vers le ciel ses yeux noyés dé mélancolie;
et, d'une voix profonde, dont les accents vous frappent au coeur, elle laisse échapper la divine
plainte du poète :
"Femmes de la maison, douces à ma jeunesse,
Conseillez mon cher coeur amèrement troublé."
Ce n'est pas une fille de théâtre, ce n'est pas une tragédienne qui marche devant nous,
c'est une figure antique ressuscitée en pleine jeunesse; c'est une statue toute palpitante
de vie et de passion, c'est une évocation des siècles passés."
Second-Weber, vignettes Felix Potin "Les célébrités contemporaines"
Adolphe Brisson continue:
"Et, maintenant, causez avec elle, si vous avez la, bonne fortune de la rencontrer
dans un cercle d'intimes ou dans un salon ami. Vous serez tout surpris de sa vivacité,
de sa grâce, de la malice de ses paroles, de l'exubérance de ses gestes.
Électre, Hermione ou Phèdre auront disparu et feront place à une petite Parisienne spirituelle,
intelligente et écervelée, descendue
de Belleville dès l'âge le plus tendre, et ayant gardé dans l'allure, dans l'accent, dans la façon
d'être un je ne sais quoi qui rappelle le faubourg. La métamorphose est complète.
Cette voix, qui déclamait tout à l'heure des alexandrins, prend des inflexions gamines;
ces grands yeux où luisait la flamme tragique vous dévisagent d'un air moqueur;
ce corps qui portait noblement la tunique à longs plis s'agite et se trémousse avec drôlerie.
Autant MmeWeber est belle à la scène, autant elle est jolie à la ville;
elle est plus que jolie, elle est piquante; cette princesse de Racine vous a, par instants,
des vivacités de grisette."
Second-Weber dans le rôle d'Athalie, photgraphie par Nadar vers 1900
Second-Weber
Adolphe Brisson conclut son chapitre sur Segond-Weber par une critique sur le manque de persévérance de l'artiste, qui, d'après lui, gâche les dons que le ciel lui a donné:
"Mme Weber a reçu des dieux tous les dons que peut ambitionner une tragédienne. Elle possède la plus belle voix qui soit. au théâtre, une taille de déesse, un profil de statue, une vive intelligence, des instincts et des goûts d'artiste. Le seul don qui lui manque, le seul que la bonne fée qui fut sa marraine ait omis d'épancher sur son berceau, c'est la persévérance; l'opiniâtreté, l'égalité dans l'effort. Elle déconcerte ses plus fervents admirateurs. Un jour elle les ravit et le lendemain elle les navre. En tout, elle manque d'ordre et de mesure. Mme Weber a du génie. Quand consentira-t-elle à n'avoir que du talent?"
Second-Weber, couple stéréo par Nadar
(loucher pour voir l'image en stéréo)
Références
[BRI 1898]
Adolphe Brisson, Pointes séches,(physionomies litéraires), Paris, Armand Collin, 1898
[LAR 1899]
Adrien Laroque, Acteur et actrices de Paris, 33ième édition, 4ième série, Paris, Calmann Lévy, 1898